On connaît très mal un écrivain par un seul de ses livres : les harmoniques de l’œuvre nous échappent.

Marguerite Yourcenar, ``En pèlerin et en étranger``

Chantal Thomas,
Prix Marguerite Yourcenar 2022

Chantal Thomas. Photo de Benjamin Geminel / Hans Lucas. Nice, avril 2022.

Premier pas

« La sensation de l’extraordinaire continue de m’exalter », dit Chantal Thomas. Il y a toujours en effet une jubilation que l’on ressent avec elle en la lisant, que ce soit dans ses essais, dans ses romans ou dans ses récits autobiographiques. Une vraie joie d’écrire, une vraie joie de vivre, dans un savant tissage entre la vie et l’écriture. Le voyage est au centre de son œuvre. Voyage dans le temps et particulièrement dans le XVIIIème siècle qu’elle nous rend si présent et si charnel, comme dans Les adieux à la reine, L’échange des princesses ou dans ses essais sur Sade et sur Casanova. Mais aussi voyage dans sa propre mémoire, pour retrouver l’éclat de son enfance, point de départ de toutes ses sensations, comme dans Souvenirs de la marée basse ou De sable et de neige. Et bien sûr voyage dans ses lieux fondateurs, Arcachon, Paris et ses années passés au séminaire de Roland Barthes, New-York, Kyoto.
Écrire est le vrai lieu de sa liberté, de sa vie aventure, d’une jeunesse permanente, qui ne disparaît jamais. Alors avec elle, on redécouvre l’art de vivre l’instant, la beauté et les nuances d’une huître, d’une vague ou d’une aiguille de pin, la puissance d’une scène intime saisie au vol, la gaieté et la profondeur des amitiés enfantines, le plaisir de la nage. « Le fait de vivre », écrit-elle dans la préface de Café Vivre, devenait ou redevenait une aventure neuve-un premier pas.
Colette Fellous, romancière, membre de la commission de l’écrit de la Scam